Le chasseur d'images

Aubépine monostyle

II saute du lit de bon matin, et ne part que si son esprit est net, son coeur pur, son corps léger comme un vêtement d'été. Il n'emporte point de provisions. Il boira l'air frais en route et reniflera les odeurs salubres.
Il laisse ses armes à la maison et se contente d'ouvrir les yeux. Les yeux servent de filets où les images s'emprisonnent d'elles-mêmes.

La première qu'il fait captive est celle du chemin qui montre ses os, cailloux polis, et ses ornières, veines crevées, entre deux haies riches de prunelles et de mûres.

Il prend ensuite l'image de la rivière. Elle blanchit aux coudes et dort sous la caresse des saules. Elle miroite quand un poisson tourne le ventre, comme si on jetait une pièce d'argent, et, dès que tombe une pluie fine, la rivière a la chair de poule.

Il lève l'image des blés mobiles, des luzernes appétissantes et des prairies ourlées de ruisseaux. Il saisit au passage le vol d'une alouette ou d'un chardonneret.

Consoude officinale et sainfoin

Puis il entre au bois. Il ne se savait pas doué de sens si délicats. Vite imprégné de parfums, il ne perd aucune sourde rumeur, et, pour qu'il communique avec les arbres, ses nerfs se lient aux nervures des feuilles.

Bientôt, vibrant jusqu'au malaise, il perçoit trop, il fermente, il a peur, quitte le bois et suit de loin les paysans mouleurs regagnant le village.

Dehors, il fixe un moment, au point que son oeil éclate, le soleil qui se couche et dévêt sur l'horizon ses lumineux habits, ses nuages répandus pêle-mêle.

Enfin, rentré chez lui, la tête pleine, il éteint sa lampe et longuement, avant de s'endormir, il se plaît à compter ses images.

Dociles, elles renaissent au gré du souvenir. Chacune d'elles en éveille une autre, et sans cesse leur troupe phosphorescente s'accroît de nouvelles venues, comme des perdrix poursuivies et divisées tout le jour chantent le soir, à l'abri du danger, et se rappellent aux creux des sillons.

Jules RENARD

Autour de chez moi, j'étais partie vendredi à la chasse aux orchidées sauvages ...

Les pelouses calcaires sont un site naturel protégé, pour préserver ces espèces rares.

Comments

[Florence]

#Lily, c'est une invitation à le faire le plus souvent possible ... Bonne journée.

[Lily]

J'aimerais bien être un tel chasseur d'images, les laisser doucement descendre en moi et pouvoir les goûter autant que nécessaire.

[Florence]

# Aifelle, c'est le début des Histoires naturelles ... un bouquet d'images et de sons.

[Florence]

# Florence, je connaissais ce surnom de Pentecôte par une de mes collègues originaire de la vallée du Loir (celle de Ronsard !), mais j'ignorais les détails ... anatomiques ! Je te fais confiance, je n'irai pas impudiquement vérifier. A bientôt le plaisir de te lire.

[Aifelle]

De quel livre as-tu extrait ce texte ? il me donne envie d'en lire davantage. Tes photos sont très réussies.